C’était la crise.
Oui la crise, l’angoisse, le désordre, l’anormalité. Matt adorait ça. Depuis des années qu’il vivait ici, à Clavinia, il avait rarement vécu d’évènements aussi mémorable que celui qui agitait les rues en ce moment. Ah ! Une bestiole comme ça, on en voyait pas plus d’une par décennie pour sûr ! S’il avait pu avoir ce loup-garou en face de lui, sous sa forme humaine s’entend, Matthew lui aurait volontiers serré la main.
Bien sûr ce n’était pas très bon pour les affaires. La ville s’était crispée depuis le début de la Lune. Les cadavres n’étaient pas ce qu’il y avait de plus rare à Clavinia : rixe qui tournait mal, règlement de compte, coma éthylique, maladie… la vie de pirate était courte et intense ou n’était pas. Mais d’habitude les gens de mourraient pas par hasard, ou alors rarement pour ceux que la chance avait abandonnés et on ne retrouvait pas non plus habituellement des scènes de carnage avec de la barbaque partout et des éclaboussures de sang jusqu’au premier étage.
Au fur à mesure que la pleine Lune approchait la vie nocturne habituellement foisonnante de Clavinia se réduisait à peau de chagrin. Matthew n’en avait cure, il n’était pas aussi facilement impressionnable. Un loup-garou ? La belle affaire, il l’accueillerai chez lui comme il ce doit : de jour ou de nuit cela restait au final qu’une question d’argent. Quant à ses clients, tous ceux qui étaient dignes de l’être étaient capable d’évaluer le risque eux-même.
Voilà pourquoi le balafré gardait une bonne humeur provocante qu’il dispensait à la ronde à grand renfort d’éclats le rire. C’est dans cette atmosphère que pénétra donc soudain un personnage irradiant l’exact contraire. Entrée qui ne passa alors pas inaperçue, ses vêtements en ton de noir sur noir attiraient paradoxalement le regard. Comme si une corneille s’était soudain invitée à prendre un verre. Très bonne image cela, la corneille.
Elle se plaça comme de bien entendu à son comptoir. Matt souri de plus belle, quand on s’accoudait à son comptoir c’est que soit on le connaissait bien, soit on avait quelque chose à lui demander. Il se demandait bien ce qu’elle voulait. À vu de nez elle était soit croque-mort, soit contrôleuse fiscale. Une femme croque-mort, il en aurait entendu parler pourtant. Il se dirigeât donc vers la nouvelle venue pour l’entendre croasser :
« Un triple rhum sec ! »
« Beaucoup de contrariété à noyer à ce que je vois. »
Si Matt avait des scrupule à verser d’emblée une telle dose d’alcool à une cliente d’aussi frêle constitution il ne le montra pas le moins du monde.
« J’espère que ce n’est pas un retard d’un quelconque payement de ma part qui vous mets dans cet état, sinon je vais être forcé de vous proposer plus fort. »
Son sourire insolent ne disait pas s’il était sérieux ou non. En fait il ne pensait pas réellement devoir de l’argent à cette personne, mais ça pourrait être drôle. Et puis Matt aurait plutôt dit qu’elle était en deuil de quelqu’un s’il avait vraiment pris la peine d’y réfléchir. Ce qui faisait de sa question un concentré de goujaterie… et c’était marrant aussi.